Les classiques français racontent leur histoire. Deuxième partie: La Quenelle André Terrail.
Pour le deuxième volet à la Tour d’Argent, l’histoire de la quenelle de brochet, hommage au grand-père André Terrail.
Grimod de la Reynière accordait une importance particulière à l’art du découpage de la viande, dont il fait l'éloge dans le Manuel des Amphitryons. Il y flatte l’ingéniosité désuète de l’Ecuyer tranchant « qui, exercé de bonne heure dans cet art (du découpage), le portait souvent à un tel degré d’adresse, qu’il vous eût découpé une dinde sur la pointe de sa fourchette, et sans la poser à terre ».
Bien des années plus tard pourtant, Frédéric Delair a su parfaitement mettre en œuvre cette agilité de dissection dans son rituel du canard au sang, qui marqua l’histoire de la gastronomie française.
Le maître d’hôtel devint propriétaire de la Tour d’Argent en 1890 et fit de ce plat la spécialité de son restaurant en numérotant les canards servis. Une tradition gardée jusqu’à nos jours par la famille Terrail, qui renomma cet héritage de la maison : « Le Caneton Frédéric Delair ».
Il y a aujourd’hui à la Tour d’Argent trois « canardiers » chargés de la découpe du canard et l’élaboration de la fameuse sauce au sang. Il y a aussi un comptoir dédié à ce rituel, situé sur un piédestal, comme une scène de théâtre ouvrant sur la salle et le splendide panorama qui l’entoure. Le canardier, impeccable en queue-de-pie, enfile ses gants blancs avant de se mettre à l’œuvre sous le regard des convives. La technique de Delair n’est plus pratiquée de nos jours, mais les canards sont manipulés et découpés avec des gestes extrêmement précis et élégants. Une fois l’oiseau découpé, le canardier s’attaque à la sauce. Les foies sont écrasés et mélangés au Madère et au Cognac, puis la carcasse est mise dans une majestueuse presse en argent, pour en extraire tout le sang. Une scène à la fois bestiale et raffinée, qui symbolise le summum de la gastronomie française.
Pour valoriser les métiers de salle et « l’art de vivre » lié à la gastronomie française, André Terrail, le propriétaire actuel de la Tour d’Argent, a instauré il y a trois ans le « Trophée Frédéric Delair ». Il récompense chaque année des étudiants dans différentes catégories de métier comme le dressage ou l’œnologie, sans oublier évidemment le découpage traditionnel du canard.
André Terrail, a hérité du prénom de son grand-père, qui a jadis racheté le restaurant à Frédéric Delair, sans doute avec l’espoir de succession que son père Claude portait déjà en lui.
André a succédé à son défunt père à l’âge de 26 ans seulement. Il en a 38 aujourd’hui et pour lui, qui est né et a grandi dans cette maison, la Tour d’Argent est bien plus que son restaurant, tout comme le « Caneton Frédéric Delair » qui a toujours été sur le menu.
Bien que le canard au sang ne soit très attrayant pour un enfant, André appréciait ce plat depuis tout jeune, particulièrement pour les pommes soufflées qui accompagnent la viande. Fasciné par ces délicieuses pommes de terre, il en fit même un dessin, illustrant un cuisinier soufflant une pomme de terre comme un ballon. Le chef, amusé par le dessin d’André, le pris en cuisine pour lui montrer la véritable confection des pommes soufflées. Les pétales de pomme de terre qui gonflent instantanément dans l’huile étaient aussi magiques que celles de son imagination. Légères et croustillantes, elles forment un merveilleux contraste avec la sauce et restent une gourmandise pour tous les âges.
En tant que recette emblématique de la maison depuis des générations, le caneton de la Tour d’Argent doit être d’une constante excellence. Ainsi Philippe Labbé, qui est chef de la maison depuis maintenant deux ans et demi, a décidé de le retirer du menu. Le caneton doit désormais être réservé au moins deux jours à l’avance, pour être servi dans les meilleures conditions. Comme la tradition le veut, les canetons sont de Challans, livrés par Liliane Burgaud qui assure la qualité et la réputation des meilleurs canards de France.
Le service du Caneton Frédéric Delair se fait en deux temps. D’abord, l’iconique filet avec la sauce au sang, puis les cuisses, dans un plat plus contemporain qui déploie la créativité du chef.
Un service et un spectacle, qui avec l’art du découpage des canardiers, perpétuera longtemps encore cette spécialité de la maison.
Pour réaliser la recette du Caneton Frédéric Delair :
Choisir les meilleurs canards challandais et les rôtir à four vif.
Appellez votre canardier et observez :
Il place les foies hachés dans une sauteuse en argent, puis il ajoute un peu de Madère, un peu plus de Cognac et un filet de jus de citron.
Il détache les cuisses de l’oiseau, retire la peau et tranche les filets sur la longueur. Il garde le tout au chaud.
Il concasse les carcasses et les place dans la presse à canard. Il tourne doucement la manivelle pour en extraire tout le jus et le sang, qui vont rejoindre les foies. Le canardier y met toutes ses forces jusqu’à extraire la dernière goutte.
A cela il ajoute un jus de canard bien épicé et remue le tout pendant 25 minutes sans s’arrêter, sur feu moyen, en surveillant qu’il réduise à point et reste toujours onctueux.
Enfin, il passe le jus au chinois fin et ajuste l’assaisonnement.
Récupérez la sauce et la viande du canardier et servez-les avec la garniture.
Pour le deuxième volet à la Tour d’Argent, l’histoire de la quenelle de brochet, hommage au grand-père André Terrail.
La Pêche Melba, le Caneton Frederic Delair, la Poularde Demi-Deuil et bien d’autres encore, ont tous une histoire plus ou moins connue, mais tout aussi gourmande et profonde.
Seiko Harukiya, une habituée des comptoirs savoureux de l’archipel et enthousiaste bien initiée, nous fait découvrir avec passion le répertoire des grands classiques de la cuisine japonaise.
Un hommage à la saison des sakuras, le “Hanami Hassun” à déguster sous les arbres en fleurs.
L’année commence avec le « Shôgatsu », la fête du jour de l’an, mais le cours de la vie reprend au « Risshun », le premier jour du printemps