Les classiques français racontent leur histoire. Deuxième partie: La Quenelle André Terrail.


Philippe Labbé, chef de la Tour d'Argent.

 

Pour David Ridgway, chef sommelier de la Tour d’Argent, qui travaille à la cave depuis 1981, le plat de quenelles est, sous son apparence simple et traditionnelle, celui qui affirme le plus le caractère du chef. Philippe Labbé est le dixième chef que connait David en trente-sept ans de service à la Tour et il découvre avec lui encore une nouvelle génération de quenelles.

Pour Philippe Labbé, qui a bâti sa carrière dans nombreux hôtels et restaurants renommés, la « Quenelle de brochet André Terrail » fut tout de même un enjeu. Il avoue avoir été un peu trop créatif au début pour un plat si classique et tant apprécié par les accoutumés. Ses quenelles étaient trop extravagantes ou trop modernes lui disait-on. Chef Labbé revint alors vers une forme plus traditionnelle, mais en retravaillant la sauce au gout du jour et surtout en mettant en avant le produit : le brochet sauvage, pêché des gravières de Vétheuil et reçu vivant.

 

Dans la recette traditionnelle de la Tour d’Argent, les quenelles sont faites d’un mélange de chair de brochet hachée, de blanc d’œuf et de crème fraiche. Mais Philippe ajoute à cela une panade faite de beurre, de lait et de jaune d’œuf et la crème fraiche est montée avant d’être incorporée dans le mélange. Le résultat est d’une texture légère et onctueuse et d’une saveur riche et élégante à la fois.

Une quenelle qui a du caractère et pourtant s’allie merveilleusement à diverses sauces. La quenelle d’été s’accompagne d’une sauce aromatisée à la verveine, avec un peu de girolles et des herbes champêtres. Pendant la période des vendanges, elle est farcie au raisin. A chaque saison, la quenelle s’habille d’une sauce différente et s’affiche en haut du menu. La garder ainsi toujours au gout du jour est un bel hommage que rend le chef au grand-père Terrail.

 

Pour André Terrail, le propriétaire actuel de la Tour d’Argent, les quenelles sont aussi un souvenir d’enfance. Tous les dimanches, après le service de midi, la famille Terrail se réunissait pour le déjeuner dominical. A quatorze heures, table soixante-quatre. Et son père Claude prenait toujours des quenelles pour tout le monde, suivit d’un poulet rôtit ou un plat simple. C’était une règle de ne pas choisir les plats chers et Claude était très strict là-dessus.

La recette classique de la maison, qui était jadis sur le menu et attise encore les papilles de nostalgiques comme moi, était plus rustique. Les quenelles étaient généreusement posées sur une duxelles de champignons et recouvertes de sauce Mornay, puis légèrement grillées sur le dessus. D’une apparence réconfortante et familière, c’était un plat gourmand et d’un gout si raffiné qu’on en devenait tous adeptes. Et à notre grand bonheur, on peut encore le déguster aujourd’hui et revivre l’émotion à « La Rôtisserie d’Argent », le bistrot de la Tour, juste un peu plus loin sur le quai…

 

 

 

 

« Brochet Sauvage des Gravières de Vétheuil, Quenelle Hommage au Grand-Père »

Sauce fleurette, verveine, fines herbes champêtres

 

Pour les quenelles :

Faire une panade souple avec du lait, du beurre et des jaunes œufs.

Lever les filets et retirer la peau du brochet sauvage (à acheter vivant ou à pêcher soi-même à Vétheuil) puis passer au hachoir fin. Monter la crème liquide jusqu’à ce qu’elle soit bien moussante.

Mixer la chair fine avec les blancs d’œufs, de la crème d’Isigny, la panade et du piment d’Espelette.

Passer l’appareil au tamis et incorporer la crème mousseuse peu à peu.

Mouler soigneusement des quenelles avec une grand cuillère en argent et pocher dans l’eau bouillante.

 

Pour la sauce :

Dans une sauteuse, mélanger du Vermouth, du fumet, des échalotes ainsi que des champignons de Paris émincés. Faire chauffer à vif et réduire presque à sec. Ajouter de la crème, du persil, du laurier et de l’estragon. Porter à ébullition et écumer la mousse. Réduire le liquide de moitié et filtrer. Réduire à nouveau de moitié et filtrer. Réserver cette sauce au chaud jusqu’au service.

 

 

Porter la sauce à ébullition et ajouter de la crème fouettée et glacée en remuant jusqu’à épaississement.

 

Pour le dressage :

Répartir immédiatement la sauce dans des assiettes creuses. Ajouter les quenelles glacées au beurre blanc à la verveine fraiche. Ajouter différentes feuilles et herbes du moment harmonieusement sur les quenelles et autour. Servir très chaud.

 

 

La Tour d'Argent

17 quai de la Tournelle 75005 Paris

tourdargent.com